Construction immobilière : qui est maître d’œuvre ?
Publié le 05.03.2018
Une société fait construire un immeuble : un restaurant prend ensuite possession des locaux professionnels au rez-de-chaussée et d’un sous-sol qui devient son laboratoire de cuisine. Mais ce laboratoire est inondé : un expert, qui est nommé pour déterminer les raisons de cette inondation, va faire d’étranges découvertes…
Un comportement qui change tout !
Une société fait appel à une entreprise de construction pour édifier un immeuble destiné à recevoir des entreprises ainsi que des logements. Une fois l’immeuble construit, un bail est signé avec un restaurateur, pour les locaux situés au rez-de-chaussée. Le local loué comprend également un sous-sol, utilisé comme laboratoire de cuisine, qui est malheureusement inondé. Le restaurateur ne pouvant plus exercer son activité, stoppe le versement des loyers.
Un expert est alors désigné : ce dernier découvre alors que l’inondation est due à un problème d’étanchéité.
Concrètement, le laboratoire de cuisine était destiné, au début du projet de construction de l’immeuble, à devenir un garage. Mais au cours des travaux, le restaurateur a signé son bail commercial et, en accord avec la société, propriétaire des lieux, en a fait son laboratoire de cuisine (juridiquement, c’est un « changement destination »).
Sauf que les travaux réalisés dans le laboratoire de cuisine n’ont pas été modifiés et ont été réalisés comme si le local était toujours destiné à recevoir un garage. Or, un laboratoire de cuisine nécessite des travaux d’étanchéité plus importants qu’un garage…
La société propriétaire du local va alors demander des comptes au constructeur : elle estime qu’en qualité de maître d’œuvre, il lui appartenait de veiller à la bonne exécution des travaux réalisés sous sa direction.
L’entreprise de construction se devait notamment d’adapter la conception technique et les plans du sous-sol, destiné à recevoir, non plus un garage, mais un laboratoire de cuisine, afin de s’assurer de l’étanchéité du local. Elle doit donc l’indemniser pour le préjudice subi, estime la société propriétaire des lieux.
Mais l’entreprise de construction conteste sa qualité de maître d’œuvre : elle rappelle qu’un architecte a géré ce projet et qu’elle n’est intervenue que pour une mission d’OPC (organisation, pilotage, coordination).
Sauf que l’entreprise de construction s’est comportée comme un maître d’œuvre, rappelle la propriétaire, qui relève qu’elle :
- a organisé et dirigé toutes les réunions de chantier ;
- a rédigé tous les procès-verbaux de chantier ;
- a adressé des remarques et consignes aux intervenants pour remédier aux difficultés rencontrées au cours des travaux ;
- l’a assistée lors de la livraison du rez-de-chaussée et du sous-sol, suite aux travaux d’aménagement en laboratoire de cuisine du sous-sol ;
- se qualifie elle-même de « maître d’œuvre » dans une attestation d’exécution délivrée au restaurateur.
Au vu de ces éléments, le juge donne raison à la propriétaire : ayant dépassé sa mission et s’étant comportée comme un véritable maître d’œuvre, l’entreprise de construction a commis une faute en n’adaptant pas les travaux à la nouvelle destination du sous-sol. Elle doit donc indemniser la société.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 25 janvier 2018, n° 17-10917
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