Un nouveau visage pour les relations collectives
Publié le 26.08.2016
Les accords offensifs garantissent une certaine flexibilité à l’entreprise qui lui permet de s’adapter aux situations de terrain, tout en assurant aux salariés leur maintien dans l’emploi. Des décrets doivent paraître pour préciser la mise en œuvre de ces accords.
Accords « offensifs » = plus de flexibilité pour les entreprises ?
Par principe, une convention ou un accord collectif s'impose à l’employeur mais un contrat de travail peut toujours prévoir des dispositions plus favorables. Une exception, cependant, concerne un nouveau type d’accord : les accords de préservation ou de développement de l'emploi.
Ce nouveau type d’accord fait suite aux « accords de compétitivité », négociés en 2013 par les partenaires sociaux, permettant aux employeurs d’augmenter la durée de travail sans modifier la rémunération des salariés, ou le maintien du temps de travail et une baisse de salaire, ou une baisse du temps de travail et du salaire. Dans ce cas, l’employeur devait s’engager à ne pas licencier pendant toute la durée de l’accord.
Désormais, vous pourrez proposer une négociation à ce sujet aux organisations syndicales en leur transmettant toutes les informations nécessaires. La rémunération mensuelle des salariés ne pourra, toutefois, pas être diminuée.
Cet accord doit définir, en préambule, ses objectifs. A défaut, l’accord est réputé nul (cela n’est valable que pour ce type d’accord). Il doit ensuite préciser :
- les modalités de prise en compte de la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ;
- les modalités d'information des salariés sur l’application de cet accord et son suivi pendant toute sa durée.
L'accord peut également prévoir des conditions :
- d’application aux dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ou aux mandataires sociaux et actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance ;
- d’amélioration de la situation économique de l'entreprise au profit des salariés à l'issue de l'accord.
L’accord est impérativement conclu pour une durée déterminée. S’il ne prévoit pas de durée, elle est, par défaut, fixée à 5 ans.
Tout salarié peut refuser (par écrit) la modification de son contrat de travail résultant de cet accord. Dans ce cas, l’employeur pourra prononcer son licenciement économique individuel (si 10 salariés venaient à refuser leur modification de contrat, l’employeur d’une entreprise de plus de 50 salariés sera tenu d’élaborer un PSE). Néanmoins, avant de prononcer son licenciement, il devra proposer au salarié, lors de l’entretien préalable, un dispositif similaire à celui du contrat de sécurisation professionnelle, appelé « parcours d’accompagnement personnalisé ». Ce dispositif est assuré par Pôle Emploi.
La conclusion de ces accords implique, en principe, que votre entreprise compte dans ses effectifs au moins un délégué syndical pour négocier. Pour autant, si ce n’est pas le cas, il n’est pas impossible de négocier : une organisation syndicale représentative au niveau de votre branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel, peut mandater un seul et unique représentant du personnel élu titulaire au CE ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, un seul et unique délégué du personnel.
Enfin, cette possibilité de conclure des accords de préservation ou de développement de l'emploi est d’ores-et-déjà applicable. Néanmoins, nous attendons la parution d’un certain nombre de Décrets nécessaires à la mise en œuvre de ces accords.
Des accords d’entreprise pour tous ?
Parmi les différents accords collectifs, il existe les accords de branche, qui sont négociés au niveau de la branche professionnelle entre les organisations syndicales représentatives et les organisations patronales, et les accords d’entreprise, qui sont négociés au niveau de l’entreprise entre l’employeur et un délégué syndical appartenant aux effectifs de l’entreprise. Ce dernier type d’accord donne donc davantage de flexibilité aux entreprises pour adapter la règlementation à leur activité.
La Loi prévoit de renforcer la légitimité des accords collectifs. Aussi, pour être applicable, l’accord collectif nécessite la signature d’une ou des organisation(s) syndicale(s) ayant recueilli 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections professionnelles (contre 30 % auparavant). Si l’accord est signé par des organisations syndicales représentant au moins 30 % des suffrages exprimés, elles peuvent demander une consultation des salariés pour valider l’accord.
Néanmoins, l’application de cette nouvelle règle « d’accords majoritaires » entre en vigueur de manière progressive en fonction du thème abordé par l’accord collectif :
- nous attendons les Décrets d’application pour les accords portant sur la préservation ou le développement de l’emploi ;
- les accords sur la durée du travail, les repos et les congés seront concernés au 1er janvier 2017 (à la condition également que les Décrets d’application soient parus) ;
- les autres accords (hors accords de maintien dans l’emploi) seront concernés au 1er septembre 2019.
Enfin, conscient que la négociation collective est en pratique difficilement applicable dans les TPE, le Gouvernement permet aux accords collectifs de branche étendus de prévoir des clauses spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés. Dans ce cas, l’accord doit indiquer les choix laissés à l’employeur. Ce dernier établira ensuite un document unilatéral mentionnant les choix retenus. Il doit en informer ses salariés mais également les DP, le cas échéant.
Plus d’heures accordées aux délégués syndicaux ?
Pour mener à bien sa mission de représentation de son syndicat, de négociation et de signature des accords d’entreprise, le délégué syndical dispose notamment d’une liberté de déplacement dans et hors de l’entreprise et d’un crédit d’heures déterminé selon la taille de l’entreprise.
Ce crédit d’heures vient d’être réévalué.
Jusqu’au 9 août 2016 | A partir du 10 août 2016 |
- 10 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés - 15 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés - 20 heures par mois dans les entreprises ou établissements d'au moins 500 salariés | - 12 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés - 18 heures par mois dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés - 24 heures par mois dans les entreprises ou établissements d'au moins 500 salariés |
Un accord collectif peut prévoir des dispositions plus favorables au délégué syndical.
En outre, pour les délégués syndicaux qui relèvent d’une convention de forfait en jours, et à moins qu’un accord collectif ne prévoie d’autres modalités, 4 heures de mandat correspondent à une demi-journée devant être déduite du nombre annuel de jours travaillés. Un Décret (non encore paru à ce jour) devra prévoir comment bénéficier du crédit d’heures restant lorsqu’il représente 4 heures ou moins.
Expertise du CHSCT : toujours à la charge de l’employeur ?
L’expertise réalisée par le CHSCT lorsqu’il constate un risque grave dans l’établissement ou lorsqu’un projet important peut impacter les conditions de travail ou la santé ou la sécurité des salariés est à la charge de l’employeur. Et ce, même lorsque l’employeur conteste l’expertise et obtient, en justice, l’annulation de la délibération désignant un expert !
Cependant, le Conseil Constitutionnel a invalidé ce texte qui impose à l’employeur d’assumer ce coût en toute circonstance. Il maintenait néanmoins cette règle jusqu’au 1er janvier 2017, le temps pour le législateur de réécrire le texte.
C’est chose faite puisque la Loi Travail permet désormais à l’employeur de se faire rembourser par l’expert les frais de l’expertise annulée depuis le 10 août 2016.
Notez que le CHSCT peut demander au Comité d’entreprise (qui lui dispose de moyens financiers) de prendre en charge cette expertise. Il est même possible que les experts intervenant après délibération du CHSCT demandent à ce dernier une garantie de paiement de la mission qu’ils auront accomplie pour leur compte (et donc un engagement de paiement du Comité d’entreprise).
Plus de charges pour les comités d’entreprise ?
Par principe, un comité d’entreprise (CE) décide librement de son utilisation qui doit s'inscrire dans le cadre de son fonctionnement et de ses missions économiques. Ce budget sert à financer ses frais courants de fonctionnement, les stages de formation économique de ses élus, les éventuels frais de déplacement, les honoraires d’experts qu’il missionne...
Outre les frais d’expertise engagés sur délibération du CHSCT (voir partie précédente), depuis le 10 août 2016, le CE peut consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise.
Plus de communications syndicales ?
Un accord collectif peut autoriser les communications syndicales par le biais des outils informatiques disponibles dans l’entreprise. Toutefois, à partir du 1er janvier 2017, l’accord collectif sera facultatif dès lors que l’organisation syndicale :
- satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance,
- est légalement constituée depuis au moins deux ans.
Dans ce cas, elle pourra diffuser ses publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l'intranet de l'entreprise, le cas échéant.
Toutefois, l’utilisation des outils informatiques mis à disposition des organisations syndicales doit :
- être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l'entreprise ;
- ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l'entreprise ;
- et préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message.
Elections professionnelles : plus de recours au vote électronique ?
Les élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise peuvent se dérouler par vote électronique. Jusqu’à présent, il fallait qu’un accord de groupe ou d'entreprise le prévoie.
Depuis le 10 août 2016, le vote électronique peut être utilisé dès lors que l’employeur le décide (ou un accord collectif). Néanmoins, un Décret (à venir) doit en préciser les modalités.
Plus de représentants du personnel dans les franchises ?
Les réseaux d'exploitants comprenant au moins 300 salariés en France, liés par un contrat de franchise contenant des clauses impactant l'organisation et les conditions de travail dans les entreprises franchisées pourront être tenus de mettre en place une instance de dialogue.
Cette mise en place doit faire suite à une demande d'une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l'une des branches dont relèvent les entreprises du réseau, ou ayant constitué une section syndicale au sein d'une entreprise du réseau.
Le franchiseur doit alors engager une négociation avec des représentants des salariés du réseau et des franchisés en vue de cette mise en place. Cette négociation doit aboutir sur un accord déterminant :
- la composition de l'instance ;
- le mode de désignation de ses membres et la durée de leur mandat ;
- la fréquence des réunions de l'instance (2 par an, à défaut d'accord) ;
- les heures de délégation de ses membres et leurs modalités d'utilisation ;
- les modalités de prise en charge des dépenses de fonctionnement de l'instance et d'organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement (la Loi prévoyait initialement que ces frais seraient à la charge du franchiseur mais le Conseil Constitutionnel a invalidé cette disposition).
A chaque réunion, l'instance :
- est informée des décisions du franchiseur de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés ;
- est informée des entreprises entrées dans le réseau ou l'ayant quitté ;
- formule (à son initiative) et examine (à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés) toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés dans l'ensemble du réseau, ainsi que des conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire.
Nous attendons, à ce jour, la parution d'un Décret d'application qui préciserait les modalités de fonctionnement de cette instance.
Source : Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (articles 21, 22, 28, 31, 33 et 58)
Des accords « offensifs » pour préserver (ou développer) l’emploi ? © Copyright WebLex - 2016