Surveiller les messageries professionnelles : (im)possible ?
Publié le 08.09.2017
Un employeur rappelle à un salarié que l’usage de la messagerie instantanée doit être exclusivement professionnel. Mais comme le salarié nie l’avoir utilisée à des fins personnelles, l’employeur le place face à son mensonge. Il a, en effet, conservé (à tort ?) une partie de ses correspondances…
Messagerie professionnelle = messages à caractère, en principe, professionnel
Une entreprise diffuse une note par laquelle elle informe ses salariés qu’elle vient de licencier une personne pour avoir utilisé le téléphone, l’ordinateur et le photocopieur de l’entreprise à des fins personnelles, alors que le règlement intérieur l’interdit.
Quelques jours plus tard, l’employeur convoque un autre salarié pour recueillir ses explications : à l’occasion d’un contrôle de sa messagerie instantanée professionnelle, un certain nombre d’éléments semblent indiquer qu’il l’a, lui aussi, utilisée à des fins personnelles. Ce que le salarié nie.
L’employeur lui présente alors un dossier de 45 pages de communications privées que le salarié a échangées, la semaine précédente, avec son frère et sa fiancée, depuis cette messagerie et décide de le licencier. Licenciement que le salarié conteste : il estime, en effet que son employeur a violé le secret de ses correspondances.
Ce que conteste l’employeur qui rappelle que l’interdiction d’utiliser le matériel professionnel à des fins personnelles est prévue par le règlement intérieur et qu’il en avait informé les salariés. D’autant qu’il avait, par ailleurs, pris soin de le leur rappeler à l’occasion du licenciement de leur collègue…
Argument insuffisant pour le juge qui constate, effectivement, que l’employeur a bel et bien violé le secret des correspondances de son salarié. Il rappelle alors 6 informations à destination des employeurs.
Premièrement, l’employeur doit informer ses salariés que leurs communications peuvent faire l’objet d’une surveillance. Cette information doit être préalable à toute opération de surveillance. Et ce, alors même que le règlement intérieur interdit l’utilisation du matériel professionnel à des fins personnelles.
Deuxièmement, l’étendue de la surveillance ainsi que le degré d’intrusion doivent être raisonnables. En cas de contentieux, les juges distingueront entre la surveillance des flux de communications et la surveillance de leur contenu, mais également entre la surveillance de l’ensemble des communications ou seulement une partie ; et ils vérifieront la durée de la surveillance, ainsi que le nombre de personnes qui accèdent aux résultats.
Troisièmement, l’employeur doit disposer d’un motif légitime pour justifier la surveillance des communications et l’accès à leur contenu (la surveillance du contenu étant particulièrement intrusive, le motif doit être sérieux).
Quatrièmement, l’employeur doit opter, lorsque c’est possible, pour un système de surveillance reposant sur des moyens et des mesures moins intrusifs que l’accès direct au contenu des communications de l’employé. Autrement dit, l’employeur doit choisir un système de surveillance qui soit adapté au but qu’il recherche en évitant, autant que possible, d’utiliser des méthodes intrusives.
Cinquièmement, l’utilisation des résultats et les conséquences de cette surveillance pour le salarié concerné doivent permettre d’atteindre le but déclaré de la mesure.
Sixièmement, le salarié doit bénéficier de garanties adéquates quant à la protection de ses communications, afin que l’employeur ne puisse pas accéder à leur contenu sans qu’il n’ait été préalablement informé de cette éventualité.
Source : Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, Grande Chambre, du 5 septembre 2017, n° 61496/08
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