Véhicule de fonction : un avantage (acquis ?) en nature…
Publié le 10.02.2016
Un employeur fait part à un salarié, à qui l’entreprise met à disposition un véhicule, de son intention de lui retirer le bénéfice de cette voiture. Ce que conteste le salarié qui, de ce fait, prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur…
Supprimer un avantage peut justifier une prise d’acte de la rupture du contrat
Embauché dans une entreprise du secteur automobile au début de sa carrière comme apprenti, un salarié a gravi les échelons pour devenir, par avenants successifs à son contrat de travail, technicien, chef de produit puis chef de projet.
L’entreprise connaissant des difficultés, elle déménage et propose au salarié un nouveau poste de chargé d’affaires. Parce que le nouveau lieu de travail est éloigné de son domicile, et pour éviter le départ du salarié qui avait manifesté son intention de ne pas suivre, l’employeur lui propose un véhicule de fonction, ce qu’il accepte.
2 ans plus tard, le salarié change à nouveau de poste pour devenir chef de ligne de produit, l’entreprise lui maintenant le bénéfice de son véhicule de fonction.
18 mois plus tard, l’entreprise lui écrit qu’il bénéficie à tort d’un véhicule de fonction depuis sa nomination au poste de chef de ligne de produit et lui réclame la restitution du véhicule de fonction. En contrepartie, l’entreprise propose à titre de compensation une augmentation de la rémunération fixe du salarié.
Estimant cette compensation financière insuffisante, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur : l’attribution du véhicule constituant un avantage en nature, son retrait décidé unilatéralement par l’employeur revient à modifier son contrat de travail.
Mais l’employeur conteste à son tort cette interprétation : il a bénéficié de ce véhicule, à titre temporaire, pour l’exercice de sa fonction de chargé d’affaires. Il n’était nullement question de lui attribuer cette voiture de façon définitive. Pour lui, le fait qu’il ait continué à bénéficier de cet avantage était provisoire et exceptionnel.
Mais le juge porte un regard différent sur cette situation : l'attribution du véhicule revêtait une importance déterminante pour le salarié compte tenu du déménagement de la société et de l'éloignement de son lieu de travail ; cet avantage ne pouvait lui être retiré unilatéralement. Par conséquent, il estime que ce retrait équivaut à un manquement de l'employeur à ses engagements contractuels, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Source : Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 16 décembre 2015, n° 14-19794
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